Le Monde de Superman

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-781732,36-800127@51-791458,0.html

Je reprends l'article car bientôt il ne sera plus disponible

Citation :: n 1933, aux Etats-Unis, le démocrate Franklin Roosevelt s'installe à la Maison Blanche. En Allemagne, Adolf Hitler devient chancelier. La même année, en plein été, un adolescent juif de 19 ans, Jerry Siegel, a du mal à s'endormir. La chaleur, bien sûr. Mais aussi l'air du temps. Le climat politique en Europe d'abord. Et l'antisémitisme dans son voisinage, à Cleveland, où il réside. Allongé sur son lit, Jerry Siegel rêve d'un personnage qui pourrait voler. Un super-héros plus fort et plus courageux que lui. Un homme d'acier, invincible, susceptible de protéger ce gamin fluet des humiliations quotidiennes. Jerry Siegel s'empare d'un crayon et d'une feuille de papier et fixe les fondamentaux d'un personnage qu'il baptise "Superman".

Le lendemain, il se précipite chez son meilleur ami, son camarade de classe Joe Shuster. Enthousiaste, ce dernier dessine sur-le-champ les contours de Superman : cheveux bruns, musculature imposante, costume bleu et rouge avec un gigantesque "S" entouré de jaune sur le torse.

La biographie de Superman se confond avec celle de ses deux créateurs, fils d'immigrés d'Europe centrale. Comme eux, Superman est un rescapé. Originaire de la planète Krypton, dont la population, composée de brillants scientifiques, s'apprête à être décimée, il répond au nom de Kal-El. Arrivé sur Terre à bord d'un vaisseau spatial, recueilli par un couple de fermiers, Kal-El devient pour son entourage Clark Kent, un journaliste gauche et introverti du Daily Planet. Pour le reste du monde, il sera Superman. "Le golem, une légende juive du XVIe siècle, sur une créature d'argile façonnée par un rabbin pour protéger les juifs de Prague, est le précurseur de la mythologie du super-héros, expliquera Will Eisner, l'un des plus grands artistes de l'histoire du comic book (terme américain pour bande dessinée). Les juifs, persécutés depuis des siècles en Europe, avaient besoin d'un héros capable de les protéger des forces obscures. Siegel et Shuster l'ont inventé."

Bien plus tard, en 2000, l'odyssée de Jerry Siegel et Joe Shuster fournira la trame d'un récit à clé, Les Extraordinaires Aventures de Kavalier & Clay (éd. Robert Laffont) de Michael Chabon, couronné par le prix Pulitzer en 2001. A New York, en 1939, deux cousins, dont l'un a fui la Tchécoslovaquie et l'autre la dictature nazie, inventent un super-héros, "l'Artiste de l'évasion", qui va s'emparer de l'Europe et anéantir Hitler. En un habile croisement entre l'histoire du peuple juif vue de l'autre côté de l'Atlantique et un essai sur l'âge d'or des comics, Michael Chabon montre que la naissance du super-héros coïncide avec la disparition progressive des juifs d'Europe.

Comme toutes les grandes idées, celle qui prévaut à Superman est en avance sur son temps. Un créateur ne peut rien faire sans passeur. Et en 1933, il n'existe pas encore d'industrie du comic book. Jerry Siegel et Joe Shuster devront donc patienter cinq ans avant d'imposer leur personnage. Les quotidiens se contentent alors d'un supplément dans leurs éditions du dimanche où sont publiées, à l'attention des enfants, des vignettes comme Joe Palooka ou Mutt and Jeff. Un homme pourtant, Max Gaines, comprend qu'il existe un marché pour des magazines de bandes dessinées. Il se contente d'abord, en 1933, de réimprimer en volume des séries publiées dans les quotidiens. Puis il réalise qu'il peut obtenir de biens meilleurs résultats avec des publications originales.

Le royaume de ses rêves va s'appeler, à partir de 1935, DC Comics. Cette maison abrite déjà le duo Siegel/Shuster, dont le personnage Doctor Occult, un détective de l'étrange débusquant fantômes, vampires et sorciers, connaît un certain succès. Mais c'est en vain qu'ils font le tour des éditeurs new-yorkais pour Superman, jugé trop extravagant pour le jeune public. Un employé de Gaines, Sheldon Mayer, hérite du projet. Il le remet entre les mains de son patron, lui promettant que ce héros en collant bleu qui soulève des voitures et terrifie les criminels va bouleverser l'industrie des comics.

Superman apparaît pour la première fois en juin 1938 en couverture du numéro 1 d'Action Comics, dont il se vend 200 000 exemplaires ; la deuxième fois, sur le numéro 7, les ventes triplent. A partir du début des années 1940, les exploits de Superman s'écoulent à plus d'un million d'exemplaires. A ses débuts, le super-héros se contente de voler plus vite qu'une balle de fusil ou d'arrêter une locomotive en tendant un bras. Ses pouvoirs s'accroissent au fil des numéros. Superman voyage à travers l'espace et le temps. Il change les planètes d'orbite. S'installe au milieu du Soleil. Invulnérable, si ce n'est à la kryptonite - un matériau radioactif issu de sa planète -, il devient l'égal d'un dieu. Quand les Etats-Unis entrent en guerre en décembre 1941, le journaliste Clark Kent se voit fermer les portes de l'armée, rétive devant cet homme à la constitution déficiente. En revanche, Superman, son alter ego, porte le fer contre les nazis. Lorsque l'homme d'acier détruit le mur de l'Atlantique et la ligne Siegfried bien avant le jour J, le ministre nazi de la propagande, Joseph Goebbels, s'écrie lors d'une réunion : "Superman est juif !"

L'Allemagne nazie n'est pas encore défaite, Superman et l'industrie du comic book ont depuis longtemps gagné la partie. Il y a plus de trente éditeurs de bandes dessinées aux Etats-Unis en 1941, pour 150 titres différents, avec des ventes combinées de 60 millions d'exemplaires. L'industrie du comic book aura été l'un des rares secteurs à connaître une croissance phénoménale en pleine Dépression. Le succès de Superman encourage les éditeurs concurrents à créer leur super-héros. Il en résulte un foisonnement unique dans l'histoire de la bande dessinée. Will Eisner crée le Spirit ; Jack Kirby, Captain America, les X-Men et les Quatre fantastiques ; Bob Kane, Batman. Les illustrateurs et scénaristes juifs privilégient naturellement l'industrie du comic book, conscients que les portes d'accès de la publicité et de l'édition leur sont le plus souvent fermées. "Nous n'avions pas accès aux suppléments du dimanche des quotidiens ou aux agences de publicité, explique Al Jaffee, l'un des illustrateurs piliers du magazine satirique Mad. Les juifs ont trouvé leur place dans un business créé par d'autres juifs où, au moins, il n'y avait pas de discrimination."

Cet âge d'or, entre 1935 et 1955, doit être remis en perspective. Superman ne rapporte presque rien à ses créateurs, si ce n'est une gloire tardive. Comme presque tous les auteurs de comics, ils ont cédé les droits et les royalties de leur personnage. Jerry Siegel doit se manifester en 1978 lors de la sortie du film Superman de Richard Donner, afin de faire valoir ses droits et obtenir que le générique précise que Superman a été créé par lui et Joe Shuster. Il n'y parvient qu'après plusieurs années de batailles juridiques. Pour Michael Chabon, "cet épisode a été décisif dans la décision d'écrire mon roman. Siegel et Shuster ont créé le personnage emblématique d'un médium qui a révolutionné l'Amérique. Pourtant, ils n'en sont pas propriétaires. Il y a d'un côté une éblouissante réussite artistique, et de l'autre, un désastre commercial."

Aucun personnage n'a eu une telle influence sur la culture américaine. Superman est le seul à trouver sa place dans tous les autres médias. Il y a des romans inspirés de Superman ; des programmes de radio ; une série d'animation par les frères Fleischer ; une de quinze cinématographies de quinze épisodes de quinze minutes diffusées entre 1948 et 1950 ; une série télévisée, "Smallville", met en scène Superman adolescent ; une comédie musicale ; plusieurs adaptations cinématographiques dont la plus récente, Superman returns de Bryan Singer, est actuellement sur les écrans ; des chansons, dont un des titres les plus connus du rappeur Eminem, Superman. Le cinéma hollywoodien est devenu un cinéma de surhommes. Il décline désormais tous les super-héros de l'âge d'or des comics dont les exploits, déjà incroyables sur une feuille de papier, trouvent, grâce à la technologie numérique, un réalisme inédit. En 1933, personne ne voulait de Superman. Soixante-dix ans plus tard, l'homme d'acier et ses épigones sont devenus le premier produit d'exportation de leur pays d'élection.

Outre Superman, c'est toute une époque. Sad

Nombre de messages : 51 Localisation : Lille Date d'inscription : 08/04/2006

En tout cas Superman reste un belle revanche pour ses créateurs qui ont sans doute réaliser leurs rêves à travers lui

laslo a écrit:: En tout cas Superman reste un belle revanche pour ses créateurs qui ont sans doute réaliser leurs rêves à travers lui

Euh pas sûr. Siegel n'était pas trop d'accord avec la version faite dix ans plus tard ! Je crois qu'un CB en parle !

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Nombre de messages : 72 Date d'inscription : 06/01/2006

tiens ce post me parait tout à fait approprié pour vous rappeler

QU'IL FAUT LIRE "LES EXTRAORDINAIRES AVENTURES DE KAVALIER ET

CLAY" !!!

Nombre de messages : 11395 Age : 48 Date d'inscription : 05/01/2006

Yep, je le ferai quand j'aurai fini Anansi Boys. Wink

Nombre de messages : 947 Localisation : Caen Date d'inscription : 05/01/2006

Deux bouquins qu'ils faut que j'achètent dès que possible !!!

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