Lecture Manga, BD et romans

Siete dias de Julio - Jordi Sierra i Fabra (Debolsillo): 8 ans après la défaite des républicains face aux franquistes.
On retrouve l'ancien inspecteur républicain, Miquel Mascarell, après 8 ans de bagne au Valle de los Caidos, gracié, de retour dans une Barcelone qu'il ne reconnait plus et où il ne connait plus personne.
Mais, à peine trouvé une petite pension où passer ses vieux jours (il a 63 ans), une lettre anonyme lui présentant des débuts de pistes lui pose cette question "Veut-il à nouveau se sentir policier ?". Car il lui est impossible de réintégrer son poste: en tant qu'ancien républicain et en tant qu'ancien tout court.
Il ne pourra pas s'empêcher d'enquêter et il naviguera dans le domaine de la prostitution de plus ou moins de luxe où il retrouvera un personnage du premier roman et, comme avant, dans le milieu des profiteurs de la guerre et pas seulement des franquistes convaincus.
L'enquête fait assez penser à la première avec cette histoire de prostituée tuée mais l'ambiance est bien différente. Terminé la fin d'un monde, on est au début d'un nouveau qui n'a rien d'enviable. comme dans le premier tome, l'auteur fait très bien ressentir les changements de l'époque. La misère existe toujours et vient s'y ajouter une dictature. Que de la joie.
Il y a quelques passages positifs mais ils sont brefs et tous savent qu'ils seront rares donc d'autant plus précieux.
L'enquête est plus intéressante que le premier tome, un peu plus "incroyable" aussi, et ce vieil inspecteur perdu dans une ville qu'il connaissait si bien est un personnage très attachant.

Uderzo l’irréductible recueil d’entretiens menés par Numa Sadoul. Moins passionnant que celui avec Giraud, j’ai tout de même appris quelques trucs et surtout découvert l’homme. Par contre pas mal de redites. https://monsieurg.net/uderzo-lirreductible-critique/

Je ne suis pas un gay de fiction - Naoto Asahara (Akata): Pas si simple.
Pas si simple de critiquer ce bouquin.
Autant le dire tout de suite, si ce roman avait été écrit par une femme, j'aurais mis un 2 ou un 3. Parce que, mine de rien, on y retrouve pas mal de clichés Boy's Love qui me sont insupportables comme le suicide et le viol. Je ne dis absolument pas que ce n'est pas une réalité pour les jeunes (ou pas d'ailleurs) homosexuels --il suffit de voir la prévalence du taux de suicide-- mais ça fait vraiment "passage obligé" pour cette catégorie d'histoire.
Le but du roman est écrit dès son titre: Jun n'est pas un gay de fiction. Mais malheureusement, la fiction est visible durant tout le long. Un problème d'écriture, de traduction ? Des situations qui s'enchaînent trop parfaitement pour paraître tout à fait vraisemblables ?
Tout le drama intérieur du gay qui ne peut pas faire son coming-out est présent. Jamais on ne quitte le monologue intérieur du protagoniste, il n'y a aucun moyen qu'on ne comprenne pas ce qu'il ressent, ses doutes, ce qu'il est, ce qu'il désire, sa solitude, sa volonté d'être comme les autres. Et on y trouve des choses paradoxales et des contradictions qui font qu'on croit à ce personnage. Il n'est pas si simple. Comment être simple lorsqu'on a un petit-ami/amant de 20 ans sont aîné et qu'on veut fonder une famille hétérosexuelle avec enfants à la clef ?
Pas si simple non plus est Miura, fan de Boy's Love, qui deviendra sa petite amie et qui permettra donc à l'auteur de distinguer les fictions qu'elle lit de la réalité que vit Jun. Alors que je pensais qu'au Japon il était communément admis qu'une jeune fille lise ce genre de mangas, ça n'est pas si évident que ça. Là aussi, des contradictions apparaissent: alors qu'elle cache son penchant, elle va à des conventions sur celui-ci. Au cours du roman, elle deviendra de plus en plus complexe dans sa relation avec Jun.
Etant du Young Novel, le message est globalement positif. Mais c'est aussi japonais, alors on y souffre pas mal aussi. Etant également pour Public averti, on a quelques passages de sexe plutôt soft, si on admet qu'un lycéen ait des rapports sexuels avec un homme (marié, deux enfants dont un garçon de l'âge de Jun) qui a une bonne vingtaine d'années de plus que lui et qui veut qu'il l'appelle "papa" pendant l'acte. Et le seul autre jeune homosexuel qui est développé a les mêmes préférences.
Le roman est rythmé par la musique de Queen, que ce soit par le titre des chapitres ou par la musique écoutée par les personnages. Cliché, certes, mais ça donne un bon fond musical lors de la lecture.

Le Péril Rose - Raoul Tennet (H&O): léger léger mais écrit avant 2015.
Ce n'est pas la faute de l'auteur mais avoir comme sorte de héro un terroriste, ça ne passe plus vraiment. On va jusqu'à lui dédier une plaque qui se termine par "l'Humanité reconnaissante", et là non.
Certes, il n'a tué personne. Il infecte avec l'invertite (virus qui rend gay ou lesbienne, c'est selon le genre) des personnages infects et, magie du roman, ça les rend meilleurs. Après 2 semaines de frénésie sexuelle il est vrai, mais ensuite il sont meilleurs envers autrui.
Le roman se veut clairement humoristique, avec des jeux de mots lourdingues sur les noms des personnages aux caractères peu complexes. On a aussi une bonne critique sur les politiques, tous uniquement occupés à monter les marches d'un pouvoir dictatorial (oui, on est dans une dystopie où la France frise avec la dictature) jusqu'à qu'ils soient "sauvés" par l'invertite.
Comme personne ne veut risquer de devenir homosexuel (policiers, militaires...), un agent spécial en disgrâce sera défrayé: une bombasse franco-brésilienne gay digne d'un James Bond. Il sera aidé par une virologiste bisexuelle (et oui, ça a son importance) dans la traque du terroriste.
C'est vraiment très léger et même s'il y est dit des choses plutôt vraies sur le repoussoir que peut être un changement de sexualité imposé (quelle que soit celle d'origine), on est ici pour s'amuser.
Ça fonctionne plutôt bien, faut pas s'attendre à grand chose non plus, les moments de paroxysme (sexuels ou non) viennent ponctuer le roman qui, au final, a un message le plus positif qu'il soit.
A part cette histoire de "héros" terroriste.

Star Wars: Tarkin - James Luceno (Del Rey): inattendu.
Peter Cushing interprétait ce personnage excellemment dans Star Wars et il n'y avait pas réellement besoin d'en connaître plus sur le personnage. Mais bon, ça faisait bien 15 ans que je n'avais pas lu* un bouquin Star Wars, c'est-à-dire à la fin de la saga avec les Yuuzhan Vong qui était plutôt excellente. Et comme James Luceno était l'un des auteurs de cette saga, je partais avec un bon a priori.
Donc, ici, on se concentre sur Tarkin entre Revenge of the Sith et Rogue One. Le roman passe en revue sa vie en y entremêlant une histoire se passant dans le "présent" où il doit poursuivre un groupe de résistants en compagnie de Darth Vader. C'est cette partie "présent" qui est la plus intéressante. Palpatine fait en sorte de forger un lien entre ses deux sbires et si au début, ils sont plutôt circonspects, ils arrivent vite à la conclusion qu'ils sont compétents tous les deux dans leurs domaines. Le groupe de résistants est aussi sympa à suivre, leurs raisons de faire ce qu'ils font étant liées à la prélogie.
En revanche, tout le côté le pourquoi du comment "faire régner par la peur" de Tarkin (c'est-à-dire son enfance/adolescence) est asséné à coup de marteau et on a hâte que ces passages se terminent pour en revenir à l'intrigue. Alors certes, c'est inattendu comme background pour ce personnage mais c'est vraiment pas passionnant.
Correctement écrit, une intrigue principale qui gère très bien les liens entre Tarkin, Darth Vader et l'Empereur mais pas indispensable.

*j'ai essayé le premier Disney "Aftermath" mais on ne peut même pas dire que c'est écrit.

Dr Who: The Silent Stars Go By - Dan Abnett (BBC Books): le 11ème Docteur parce que Matt Smith est plus mignon que les autres.
Bon d'accord, parce que c'est aussi écrit par Dan Abnett, au moins je savais que j'aurai du solide. Et le titre était très poétique aussi.
Je ne suis absolument pas fan de la série Dr Who, j'ai toujours l'impression de voir la même chose: le Dr et son/ses compagnons arrivent dans un endroit où il y a un truc qui va pas et le Dr va tout résoudre en gesticulant un max et en courant dans tous les sens. J'avoue n'avoir vu que deux ou trois épisodes des 9ème et 10ème Docteurs et 5 du 11ème, mais ce systématisme m'ennuie. En plus, le Dr passe pour un connard la plupart du temps, assez ego-centré caché sous des airs "on fait la bonne chose à faire".
Ici, c'est tout pareil. On court dans tous les sens, jusqu'à 3 sens différents en divisant le groupe, on est poursuivi par toutes les factions que comptent la planète pour au final arriver à une solution mignonne. Au début, le Dr promet un Noël à ses compagnons. A part la neige qui menace l'existence de la colonie où ils arrivent et une ou deux référence à une fête qu'on ne verra pas, pas de Noël. Il y avait trop à gesticuler et à courir dans tous les sens j'imagine.
Je ne peux pas dire que ce soit mauvais puisque ça a vraiment la saveur de la série: de l'humour, de la nonchalance et quand même des dangers dans tous les coins. Abnett sait ce qu'il fait et le fait bien. C'est juste, et c'est triste, que ce n'est pas pour moi.

Les contes du givre : lu d'une traite hier soir, assez tard, dans l'ambiance du bouquin en fait (manquait qu'un feu de cheminée). Donc, déjà, y a de la matière, pas le genre de chose qu'on lit en 30 minutes. Et puis malgré l'heure assez tardive, donc, j'ai pas pu m'empêcher de continuer de lire les contes en enfilade, pas eu envie de m'arrêter. Pourtant, le bouquin s'y prête, il y a des respirations entre chacun d'eux, comme si c'était une somme de petits épisodes d'un même univers. ça démarre justement avec une cosmogonie, Josselin Billard ayant complètement assumé le fait qu'il a voulu se faire plaisir en "s'inspirant de Kirby" (terme qu'il a utilisé quand je l'ai vu en dédicace, quand j'ai commencé à feuilleter et que j'ai dit "mais on dirait du Jack Kirby"). En soit, je trouve plutôt réussi, pas prétentieux et pas dans la volonté de copier pour faire pareil, mais plus le clin d'oeil. Tout comme il le dit en fin d'album, il y a également deux récits qui sont d'inspiration graphique et à l'ambiance Mignolesque et Millerienne et qui m'ont forcément beaucoup plu. Mais se sont bien les seules inspirations, et pour autant, le reste m'a aussi beaucoup plu. Un style graphique par conte, sans compter celui utilisé pour les interludes de la conteuse avec les petits qu'elle (sauve)garde (magnifiques dessins également, avec une belle expressivité des personnages ... dont un petit Pol. Clin d'oeil ?), sûrement mon préféré parce que ce sont les premières pages que j'ai pu voir sur le net et qu'elles m'avaient tapé de suite dans l’œil. Mais c'est pas simple à déterminé, parce que graphiquement, c'est très beau à chaque fois, et qu'au niveau de la couleur, c'est aussi bien géré (mais bon, je ne suis pas un spécialiste non plus). Et ce qui est rigolo, c'est que pendant le festival de st Malo, j'ai eu l'occasion de le voir finir les toutes dernières pages du dernier conte. Une des pages m'avait paru inattendue et étrange dans le graphisme ... mais au sein du récit, c'est totalement cohérent.
J'ai beaucoup aimé les histoires. Je ne suis pas un grand fan de l'onirisme, si bien que je ne suis pas très sûr d'avoir bien compris "la Fleur des murmures" (mais ça se trouve, j'ai bien compris, mais quand j'ai un doute, ça me perturbe). Mais le tout est plutôt bien troussé, avec une morale à chaque fois, mais rien de moralisateur.

Sinon, l'objet est magnifique. Dos toilé violet, avec les écritures en couleur argentée qui ressortent bien. La taille, petite, se prête totalement à certaines histoires qui sont en une case par page.
Ah, et souvent, je en suis pas toujours très fan des fan art. Là, j'avoue que je ne sais pas s'il y en a que je n'aime pas.

Je ne sais pas si j'ai tout dit. Je crois que je vais m'y replonger aujourd'hui pour bien revoir l'ensemble ....

J'attends la suite maintenant, avec une certaine impatience, ainsi que le chant de l'Harfang.

Lus… du western:

Undertaker #5.

Le Blueberry moderne s'offre une aventure indienne… à la façon de Blueberry.
Si, si.
Et ça marche admirablement bien.
Des personnages forts.
Une aventure à la fois classique et originale.
Et notre héros plus ou moins perdu au milieu de tout ça
Dorison et Meyer font du très bon boulot sur ce tome.

Blueberry - Amertume Apache.

Soit le premier tome du Blueberry de Sfar et Blain.
Dire que je parlais du "Blueberry moderne" juste avant…
Là, on retrouve le lieutenant en personne et les auteurs sont totalement dans le ton de ce que Charlier et Giraud faisaient (à mon sens).
Cela a été une grande surprise de découvrir cet album.
Cela en a été une autre de découvrir qu'il s'agissait d'un tome 1, persuadé que j'étais qu'il s'agissait - à l'instar des Spirou et Lucky Luke - d'un album solo.
Un "Blueberry de…"
Je ne sais pas si les auteurs sont prévus sur "seulement" deux tomes ou s'ils sont là pour relancer la franchise un moment.
En tout cas, ce premier volume donne envie de les suivre.
Plein de bons personnages. Plein de rebondissements.
Du très bon.

Jusqu'au dernier.

Et pendant un bon moment, je me suis demandé "jusqu'au dernier quoi?"
Je me suis laissé convaincre par tous les avis positifs sur cet album, notamment (principalement) ici.
C'est vrai que c'est du bon.
Du très très bon, même, pour la partie graphique.
Le scénario ne me convainc pas totalement, même s'il est assez original et très bien écrit.
Il y a surtout une belle galerie de personnages très bien campés.
C'est peut-être parce que je trouve que l'histoire manque finalement d'une certaine ambition.
C'est un peu trop réaliste, peut-être.
Je ne sais pas trop.
Ceci étant, la conclusion est vraiment réussie.
Et que c'est bien illustré!

Le Scorpion #12.

C'est du western à l'européenne, ça.
Cela fait tellement longtemps que j'ai lu le tome précédent que j'ai mis un peu de temps à m'y retrouver dans les aventures du héros et les complots de chacun.
Mais il n'y a pas que ça.
J'ai trouvé l'album plus faible que les autres, sans le panache qui caractérisait la série jusque-là.
Certes, il y a bien son lot d'action, de rebondissements, de révélations…
Mais je me suis ennuyé à plusieurs reprises.
Même le dessin de Marini m'a paru moins abouti, curieusement.
Peut-être que la nouvelle direction que va prendre le héros m'intéressera davantage.

Mississippi Hustler: Justine en moins drôle.
Lorsque j'ai choisi le bouquin dans la boutique, lorsque j'ai vu la couverture, le "Gay Pulp" comme collection et le magnifique sous-titre "Avide d'amour... tout ce qu'il reçoit, c'est du sexe", j'était déjà mort de rire. Pour 5$*, je m'attendais à de l'aventure un peu idiote, à de l'Indiana Jones inverti ou au moins à du Sydney Fox avec des torses huilés.
Absolument pas. J'ai eu le droit à du sous-Justine sans les passages philosophiques, c'est-à-dire sans sens. Le héro à la recherche de son père fuit le Mississippi pour se retrouver à la Nouvelle Orléans pour terminer à Hawaï et sert d'objet sexuel à divers personnages. Il faut dire qu'il est incroyablement beau, un jeune homme aux boucles blondes et à la musculature étudiée sous toutes ses formes. On a principalement des passages de sexe forcés où les pénis augmentent de taille au fur et à mesure jusqu'à l'absurde et où ils diminuent de volume au bout d'un moment. N'étant pas particulièrement fan de sexe non consenti, les personnages étaient au moins assez caractéristiques dans la veulerie pour passer le temps.
Puis arrive l'histoire d'amour. Chiante elle aussi, entre Mohammed --entrepreneur ultra riche-- et le héro. Tout ça se termine avec l'intervention (ou pas) d'une déesse d'un volcan lors de l'ultime enlèvement du protagoniste par un servant de Mohammed jaloux (uniquement une histoire légendaire, rien qui pourrait paraître véritablement fantastique ou même, horreur! pulp) et les gentils gagnent à la fin.
Le style n'était pas pas particulièrement remarquable à part le fait que le Chapitre 0 est écrit à la première personne du singulier (Jeff, le héro donc) et que tout le reste du roman est écrit par un narrateur extérieur, comme un roman classique. Le pourquoi restera le plus grand mystère de ce bouquin sans intérêt.

*plus les taxes, c'est insupportable de ne jamais savoir combien on paye un truc aux US avant de passer en caisse

Blake & Mortimer - Le dernier pharaon : ça faisait longtemps que je n'avais pas lu un B&M, et je peux dire que j'ai littéralement avalé cette BD. Il y a un paquet de trucs à dire sur celle-ci (et je ne vais pas arriver à dire les 50%, je pense), mais en tout cas, pour moi, elle respecte totalement l'univers de Jacobs, même en prenant peut être des libertés (de prime abord : moins de récitatifs, peut être, vieillissement des persos). Tous les ingrédients qui font l'ambiance de la série y sont bien présents (sauf Olrik peut être. Cela dit, Schuiten et ses amis arrivent à faire référence à un perso d'une autre histoire, mais je n'en dit pas plus). C'est Mortimer le perso principal, ici, mais Blake n'est pas loin. Le fait d'avoir situé l'histoire "plus tard", si je puis dire, explique aussi cela. Je trouve quand même le scénar assez chiadé, et avec un rythme plutôt soutenu, surtout pour un papy (ce qui n'est pas oublié, même s'il aurait pu peut être se casser une hanche ou deux), tout en étant très fluide. La fin est assez particulière, à se demander si les auteurs n'ont pas prévu cette fin comme étant ultime. En tout cas, je me demande si ce n'est pas une fin politique.
Question dessin, je n'ai pas pu profiter de la couleur (pour le coup, c'est dommage, mais je ne vais pas critiquer un cadeau qui portait d'une très bonne attention), mais j'en ai pris plein les mirettes. Précision monstrueuse (et architecturale) avec un scénario qui a peut être pu mettre encore plus en évidence Schuiten sur quelques demi-splash-pages.

Même après la lecture de l'interview lue dans les Cahiers de la BD, avec les notes d'intention, je ne suis pas déçu. Bien au contraire, je trouve que ce qui a été annoncé est bien présent, sinon plus.

Niourk : intégrale N&B lue d'une traite. J'ai beaucoup aimée cette adaptation de Vatine. Déjà, parce qu'elle est très jolie, et ensuite, parce qu'elle est plutôt rythmée. Je ne vais pas comparer avec le livre que je ne connais pas, mais on ne ressent pas le côté "adaptation de livre". Vatine a même apporté des touches sur l'histoire récente, afin d'encore mieux recentrer son récit, mais aussi plus toucher les lecteurs sur des aspects écologiques. C'est plutôt rigolo de lire ça après le Dernier Pharaon, parce qu'on retrouve des similitudes de thématiques en fin d'album (non, pas que le N&B)

Tokyo Vice - Jake Adelstein (Corsair/Points pour la traduction): journalisme d'investigation.
Le prélude s'ouvre sur "Soit tu effaces cette histoire, ou on t'efface toi. Et peut-être ta famille. Mais on commencera par eux, pour apprendre ta leçon avant de mourir."
Jake Aldelstein est un journaliste qui a travaillé au Japon du début des années 90 à la fin des années 2000. Il raconte comment il est entré dans le plus grand journal du pays et comment on y travaille dans la section criminelle. Comment entretenir de bonnes relations avec ses contacts dans la police et aussi avec les yakusas. Le Japon étant une société très codifiée, on apprend avec lui à y naviguer en rigolant de ses gaffes mais aussi en constatant que son métier est assez dangereux. On y croise des policiers honnêtes, d'autres moins, des yakusas old-school et modernes, le FBI et même la CIA. Chaque chapitre est une "histoire" mais comme chacune d'entre elles se travaille dans la longueur (souvent des mois voire des années), il y a des "cross-over" de temps à autres.
L'auteur se présente sous un jour plutôt positif même s'il n'hésite pas à montrer une part un peu plus sombre concernant sa famille et quelques choix moraux discutables. Mais, globalement, on est comme les hôtesses japonaises avec lui: on l'aime bien, on tombe rapidement sous son charme.
Les histoires montrent un éventail assez large de la criminalité que l'on peut trouver au Japon (là où un meurtre fait la Une de tous les journaux tant c'est rare), très souvent liée aux yakusas mais pas forcément. C'est sur eux que son travail porte le plus et, c'est un cliché mais il faut croire qu'il est vrai, on peut voir que tout le code d'honneur qui existait auparavant (aussi biaisé pouvait-il être) disparaît au simple profit de l'argent.
L'écriture est hyper efficace, les personnages très bien rendus ainsi que les différentes ambiances: les bureaux du journal, les quartiers chauds de Tokyo, les lieux de police.
Une "suite" existe Le Dernier des Yakusas où menacé une fois de plus de mort, il engage un yakusa qui n'accepte que s'il écrit sa biographie.

50 nuances de Grecs 2 : j’ai reçu de mon beau-père (qui souhaite inlassablement que je me cultive, bien lui en prend, surtout quand il adapte ses volontés à mes goûts) le tome 2. C’est organisé en deux pages par thème grec (Achille, Priape, la Tragédie, …), avec une page de BD humoristique à gauche (je pense que Jul doit être a minima aussi co-scénariste pour cette partie) et un texte philosophique de Charles Pépin sur la droite, qui s’appuie justement sur des détails de la page précédente pour sa démonstration. Cela me semble plus être une philosophie « opérationnelle » (je ne trouve pas le bon qualificatif, mais disons que j’arrive à comprendre, donc c’est qu’elle s’appuie sur du concret).
Les parties BD sont plutôt drôles et la partie texte, qui s’appuie sur des faits actuels, est plutôt pas mal, et met en avant des choses de notre époque, déjà identifiées ou pas par le lecteur, en les comparant avec des points de la mythologie grecque (le plus flagrant est le parallèle fait entre les 3 érinyes et comment sont employés twitter/facebook/google). Je trouve que les démonstrations sont plutôt claires en plus. Elles s'appuient d'abord par un rappel des faits (ce qui peut donner à des répétitions quand on lit tout dans la journée, mais ce n'est pas fastidieux. Et puis ça doit être pensé comme pouvant être picoré), pour après partir sur la démonstration. Classique, mais efficace, mais surtout très compréhensible et pas chiant u tout à lire (je me suis tout enfilé aujourd'hui).
Et puis on apprend toujours des trucs, même si la mythologie grecque est celle que je connais le mieux (mais ça ne veut pas dire bien), y avait quand même un paquet de trucs à apprendre. Et puis encore une fois, le parallèle avec aujourd'hui st un grand plus.

Au revoir là-haut : je ne connais pas le bouquin de Pierre Lemaitre (je vous laisse deviner qui m'a fait ce cadeau). Je ne connais pas l'adaptation ciné. Mais j'ai adoré cette BD. Alors, peut être qu'elle atténue les phases tragiques, ce qui peut expliquer que j'ai avalé les 160 pages en 1h. L'histoire de ces deux survivants de la Grande Guerre est passionnante pour plusieurs raisons, les intrigues qui s'emmêlent le sont tout autant, la fin est assez magistrale. Donc, je ne sais pas si cela respecte l’œuvre originelle (mais Torreton semble le confirmer dans sa préface), il y a surtout une efficacité dans le storytelling de De Metter qui est impressionnante. Il y a un paquet de double pages avec moins de 4 bulles, donc il ne s'appuie même pas sur le texte du livre pour apporter des éléments, il y a notamment une petite idée qui est plutôt bienvenue (je pense qu'elle est dans le livre) et puis il y a une caractérisation des perso là aussi très rapide (peut être un peu stéréotypée et un brin manichéenne, c'est possible) et une expressivité importante et très bien faite.

Couleurs de l'incendie : la suite d'Au revoir là-haut, 7 ans plus tard, mais qui n'est pas une suite de cette histoire, mais une autre, dans la même famille. Disons que l'on retrouve qu'un seul personnage du livre précédent (enfin, deux plutôt, mais je en dis pas tout), la sœur d'un des deux militaires (le défiguré), fille d'un banquier qui se retrouve donc propriétaire à la mort de son père, et avec un fils handicapé (démarrage de l'histoire assez glauque quand même). Et après, ce n’est plus du tout la même tonalité. On se retrouve dans une déchéance provoquée pour ensuite se retrouver dans un mode de vengeance à la Monte-Cristo (agissements couverts à visage découvert). C'est, certes, classique comme construction, mais c'est tout bonnement machiavélique, surtout pour un personnage tel que la fille du banquier, avec son petit sourire toujours un peu innocent, et les ressources qu'elle a pu trouver (et la clairvoyance, tardive, certes, mais là). Un perso qui a été sous-estimé, peut être considéré comme mineur par ses pairs.
De Metter est toujours aussi bon pour ce qui est de gérer l'attitude et l'expressivité des visages (y a vraiment des moments touchants, en plus). C'est vraiment très bon. Je trouve qu'il y a plus de profondeurs dans les perso que dans le livre précédent, mais peut être aussi parce que l'histoire va moins vite, il y a beaucoup plus de détails. L'histoire le nécessite, surtout qu'elle est clairement imbriquée dans l'Histoire (crise de 29, montée du nazisme, ...). Ce qui explique aussi qu'il y a beaucoup plus de dialogues et de récitatifs, mais sans en abuser non plus, De Metter sait qu'il fait une BD et pas une reproduction d'un bouquin.
Je n'ai pas lu le bouquin, mais la BD est franchement une réussite, une nouvelle fois.

(par contre, je ne sais pas comment mon beau-père a pu avoir la BD à Noël)

Le Grand A : donc, ça parle de la grande distribution. Enfin, surtout, des hypermarchés et de la vie dans les hypermarchés vus par les employés, les responsables, les clients et leurs conséquences sur l'extérieur, et prenant l'exemple d'un Auchan dans le Nord. Et j'ai pas aimé cette BD. Je n'ai pris aucun plaisir à la lire. J'avais même hâte de finir.

D'abord, j'ai absolument rien appris (parce qu'en plus, on a là que la vision magasin, pas la vision siège). Entre le film des Charlots (le Grand Bazar, que je n'ai pourtant vu qu'une fois, je ne sais même pas si j'étais ado), mes études (et le stage qui allait avec) et mon taff, je dois dire que ce que j'ai lu ne m'étonne pas (mais je n'ai pas lu d'erreur, donc c'est déjà ça). Là où je suis surpris, c’est la bienveillance de beaucoup de responsables dans leur discours (heureusement qu'il y en a qui sont un peu honnêtes vis à vis des produits qu'ils proposent et vis à vis de ce qu'ils pensent des clients). Le dessin n'aide pas non plus, j'ai l'impression qu'ils sourient (presque) tous dans cette BD, même le mec qui a dit qu'il avait du travail d'intérêt général. Et au début, je ne trouve pas que les auteurs aient vraiment réussi à mettre de l'humain en marge du magasin. J'ai bien compris que c'était pour montrer l'importance du magasin au sein des populations, le côté social et tout ça, mais j'ai pas trouvé que ça fonctionnait bien. Après, le dessin n'est pas mauvais, au contraire. Mais j'ai pas trouvé que ça fonctionnait, même si on ne voit que des persos qui leur parlent (ça fonctionne comme un reportage, avec des gens qui disent ce qu'ils font et ressentent. On ne voit jamais les journalistes, ni leurs questions d'ailleurs). Peut être est-ce dû à l'image et la connaissance que j'ai de la grande distri.
La BD est divisé en 5 chapitres de tailles inégales, chacun avec le titre d'un film. Là aussi, je ne vois pas ce que ça vient faire ici.
Il y a 6 pages d'annexes qui apportent beaucoup de compléments et qui montrent quand même un visage un peu différent des choses, et une tonalité un peu différente.

Mais ça doit sûrement venir de moi, parce que Futuro, parce que Xavier Bétaucourt et Jean-Luc Loyer ne sont pas des novices dans l'écriture de ce genre de BD ... mais bon ...

L’Étranger : adaptation de l’œuvre d'Albert Camus signée Jacques Ferrandez. Le décartonnage a fait son œuvre et je continue donc (j'ai peut être fini, d'ailleurs) de lire des BD qu'on m'avait offertes et que j'avais mises de côté ... en fouinant un peu, j'apprends que l’Étranger est le troisième livre francophone le plus lu au monde. Donc, soit je suis une rareté, soit je suis un inculte, c'est au choix. Ou une rareté inculte, ça doit marcher aussi.

Bon, sinon, si je vous donne ma note de philo au bac, vous comprendrez sûrement que le message de ce récit m'est passé un peu au-dessus, avec ce Meursault qui ne sent pas le danger et qui s'est bien foutu dans l'embarras tout seul dans l'Algérie française, et qui semble assez encore plus normand qu'un Normand. Après, vu son niveau "d'innocence", c'est assez triste ce qui se passe pour lui et l'absurdité de la "Justice" de l'époque (si cela se passait effectivement comme ça ... et peut être même que ça se passe encore comme ça), surtout dans les discours et dans les jugements de valeur à l'emporte-pièce sous prétexte que Meursault n'a pas le même niveau d'empathie que les autres. Donc, je ne sais pas si j'ai tout compris, mais en tout cas, je suis assez mal placé pour comprendre toute la portée philosophique et l'importance de cette œuvre de Camus.

Ferrandez a découpé son récit en deux parties (ce qui sûrement respecter le bouquin). Le rythme, les dialogues, sont complètement dans le genre de BD, donc l'adaptation ne semble pas souffrir de surdose ou d'un manque de quelque chose. Elle fonctionne. Le style graphique me semble être tout public, il montre une expressivité bien mesurée et adaptée en fonction des persos. La couleur est importante, parce qu'elle aide aussi à retranscrire l'ambiance algérienne. Et on voit bien qu'on est au soleil.
C'est aussi ça qui peut être intéressant, c'est de voir un peu cette ambiance coloniale, pour ceux qui ne la connaisse quasiment pas comme moi.
Ah, et j'aime bien sa manière de gérer les doubles pages.

Le journal d'un chat assassin : je ne sais plus trop qui nous a offert cette BD (j'ai un gros doute quand même ), mais je pense que le fait d'avoir un chat n'autorise pas qu'on offre tout et n'importe quoi non plus. Donc, ici, ce n'est pas n'importe quoi non plus, c'est l'adaptation BD par Véronique Deiss du premier d'une série de livres pour enfant d'Anne Fine, des 6 - 8 ans. Donc, autant dire qu'à l'époque où nous avons reçu ce présent, la petite n'était pas vraiment annoncée.
Alors ça se lit plutôt vite, en express même, ça suit un semaine avec un chat qui "tue" des animaux au grand dam de ses propriétaires et de sa jeune maîtresse. Évidemment, l'un de ses "meurtres" risque d'avoir des conséquences que ses proprio préfère éviter. Alors, évidemment, c'est humanisé, le chat parle un peu comme Jolly Jumper, et il sait écrire. Y a des moments qui sont drôles, classiques pour qui a eu un chat, mais drôles.
Le style de Deiss est gros nez, plutôt efficace, avec des couleurs plutôt clairs. C'est vraiment idéal pour les enfants je pense.

Le constat : du Davodeau du siècle dernier. Un mec a volé un petit chargement à des trafiquants. Alors qu'il est dans la panade, un vieil homme qui passait par là lui donne un coup de main et les voilà embarqués tous les deux (puis trois) dans une histoire rocambolesque, avec un parallèle, le petit vieux qui va partir à la recherche de sa famille.
Un polar que j'ai beaucoup aimé. Je ne m'attendais pas à cela. J'ai beaucoup aimé l'histoire des persos, surtout du petit vieux, évidemment. L'histoire est construite de manière à mélanger les deux histoires, des thématiques différentes, des drames aussi. Cette construction permet aussi d'inclure des tranches de vie totalement crédibles (pour qui traine un peu dans les routiers sait que 20 ans plus tard, c'est toujours comme ça. Je ne sais pas si la scène des supporters est réaliste, mais moi, elle m'a fait marrer). Alors, évidemment, l'histoire du vol semble être irréaliste, cela dit, on aurait mis des Américains à écrire ça, ça n'aurait ému personne. On s'en fout, c'est presque un prétexte pour moi, parce que les réactions et les relations humaines, sont intéressantes, même si on tombe que sur des gens qui quand même très aidant (cela dit, ça fonctionne aussi comme ça, il y a plein de gens bien et qui aide leur prochain). Je ne sais pas si c'est engagé politiquement, mais le discours autour du parcours du petit vieux est intéressant (peut être parce que je ne suis pas communiste, j'en sais rien), et ce, jusqu'au bout. J'aime bien la fin aussi, ...
Y a peut être le dessin qui serait mon bémol, pas aussi léché et abouti je trouve que sur Un homme est mort par exemple. Mais ça ne m'a pas du tout dérangé, c'est plutôt efficace, avec du décor mais pas trop, et suffisamment expressif. La colo assez claire est facile pour l’œil.

J'ai vu que  cette BD est très clivante sur Bédéthèque, par exemple. Je fais partie des gens qui ont beaucoup aimé. Et je connaissais Davodeau avant Lulu Femme Nue ou les Ignorants, donc c'est aussi peut être pour cela.

SuperLopez: La Isla de Basura - Jan (Bruguera): sans se fouler.
BD espagnole des années 70, l'auteur/dessinateur est toujours actif et sort 2 volumes par an. Ça fait quand même des décades que ce n'est plus aussi bien qu'aux débuts que ce soit scénaristiquement ou côté dessin. Des fois, on a de bons trucs, des fois c'est du pilotage automatique. Et c'est le cas ici.
L'île de plastique devient le golem d'un fou furieux et deux personnages secondaires s'y écrasent ce qui oblige le héro à y aller. Et, quelle coïncidence, le voisin d'avion des deux autres personnages est un chimiste qui cherche des fonds pour développer son enzyme "mange plastique". Voilà, vous avez l'histoire. Seule la fin et le fait que SuperLopez ne rencontre pas le méchant sont un peu surprenants.

Cinco dias de octubre - Jordi Sierra i Fabra (Debolsillo): affreux, sales et fascistes.
Une petite année après l'épisode précédent, l'ancien inspecteur républicain barcelonais s'est refait une vie assez tranquille avec l'ancienne prostituée Patro qu'il aura sauvé deux fois (dans les volumes précédents). La très grande différence d'âge ne dérange principalement que lui et très certainement le qu'en-dira-t-on plutôt pesant dans cette Espagne de 10 ans de franquisme.
Cette vie agréable sera mise à mal par un franquiste puissant qui "demandera" à l'ancien inspecteur de retrouver la tombe de son neveu mort le 18 Juillet 1936, tué par un anarchiste au commencement de la guerre civile. Ne pouvant faire autrement, il se lance dans cette enquête aux pistes très très froides.
Ce troisième volume reprend les bonnes choses des deux autres: facilité de lecture, personnage principal attachant, l'histoire de l'Espagne. S'y ajoute une enquête meilleure que les autres, avec des retournements de situations bien dans l'époque. L'unique reproche que je pourrais faire, c'est que l'auteur insiste sur la vilenie des fascistes. Non seulement le commanditaire est une pourriture mais c'est aussi une espèce d'impuissant qui ne peut se satisfaire que s'il pense violer la République en déguisant les prostituées soit en soldat ou enveloppées dans le drapeau républicain. Et lorsqu'il arrive à ses fins, il faut qu'elles hurlent "Viva España! Viva España!". Ça m'a fait beaucoup rire mais c'était superflu.
Donc bon troisième volet qui ouvre des pistes pour le suivant.

L'île Atlantique - Tony Duvert (Editions de Minuit): affreux, sales, voleurs et pédophilie.
Tony Duvert fait partie de ces écrivains faisant l'apologie du droit des enfants et des adolescents de faire l'amour dans les années 70. Avec des adultes, et si possible lui. Et comme on vient de le confirmer avec l'affaire Gabriel Matzneff, ça ne troublait pas plus que ça l'Intelligentzia de l'époque, surtout si on était qualifié de bon écrivain.
Et justement, pour ce livre en tout cas, Duvert n'en est pas un. Il écrit comme tout le monde de son milieu dans les années 70, une soupasse nouveau roman/naturalisme où le comble du style c'est de changer de scène et de personnages au détour d'une phrase, ou de ne pas terminer une phrase du style "Ha la la, si je le tenais ce. C'est pas. Il verra quand."
Pour ce qui est de l'histoire, c'est plus intéressant. Bon, j'avoue que L'enfant de la Misère est une chanson qui me fait mourir de rire, ce qui explique mon intérêt puisque le deuxième chapitre se termine par une correction à coup de chaîne par un père sur son gamin décrit alors comme "une chose rouge, molle, mouillée, sans forme explicable." Une telle exagération grotesque ne peut que me faire rire. Bref, on comprendra alors que le gamin fugue et on se retrouve à lire les errements d'une aléatoire bande de gamins qui commettrons des vols et dont certains fugueront à leur tour. Il n'y a pas vraiment d'amitié entre eux, ils sont très rapidement lassés les uns des autres, surtout avec la distinction petits/grands.
Les adultes sont tous des cons ou des pourritures, qu'ils aiment leurs gamins ou pas. S'ils les aiment, ils les aiment mal et sinon, bah ils sont proprement immondes avec eux. La palme revenant à une mère absolument abjecte qui s'en prend au plus faible (le plus petit) de ses 4 fils. Le tout donne un résultat excessif et invraisemblable qui m'a fait plutôt rire la plupart du temps. Mais ça tourne à vide, il n'y a pas de base, c'est gratuit*. Là où un Sade écrit bien pire (et bien mieux mais il a la langue du XVIIIe pour lui), c'est toujours avec un objectif philosophique, une étude de ce qu'il appelle "Nature" et sa révolte contre un Dieu. Ici, l'auteur aligne les horreurs comme dans torture-porn.
Pour y revenir, il y a des séances de touche-pipi. La plupart des gamins trouvent ça dégueulasse, en tout cas de le faire en groupe. Il y en aura bien deux qui feront plus et qui en seront satisfaits mais globalement on est loin du pire.

*enfin non, 8.90€

Mémoires d'un paysan bas-breton 1 : adaptation de l'autobiographie de Jean-Marie Déguignet, qu'il écrivit juste avant sa mort au début du XXème siècle. J'aime beaucoup cette BD. ça raconte vraiment l'histoire de sa vie de pauvre, fils de paysan, et sa famille. ça n'a pas l'air de filtrer grand chose sur ses difficultés de vie, la mortalité infantile au sein de sa famille, son aversion pour la religion, etc ... le premier tome ne raconte que sa jeunesse, mais j'ai trouvé ça très intéressant à lire.
L'adaptation de Betbeder est maline, on le voit vieux, à l'hospice, en train d'écrire son ouvrage et donc de nous raconter son histoire. Il y a aussi quelques petites histoires de légendes bretonnes, qui s'intègrent bien au récit, et donnent du rythme aussi.
Le dessin de Babonneau est plutôt joli, il semble bien retranscrire la campagne de l'époque. Il a pas mal de plan rapproché, ça s'y prête bien, puisque ce sont surtout des gens qui parlent/racontent, et assez peu de scènes d'action, ce qui est logique et pas dérangeant. Le style est fluide, rond.
Les couleurs de Gonzalbo sont plutôt pas mal, il n'y a pas une teinte générale. Donc les couleurs sont variées et s'adaptent en fonction de la période de l'année et de celle de la journée.

la BD est plutôt de bonne facture, et avec une belle pagination (environ 90 pages)

Mémoires de la guerre civile 1: par l'équipe du complexe du Chimpanzé, Marazano et Ponzio. Bon, j'en sors pas vraiment conquis, en fait. Je ne suis pas happé par l'histoire, pourtant un récit d'anticipation mâtiné de SF, ça ne peut que me plaire. Je trouve les perso un peu trop stéréotypés (une équipe d'escouade qui est là pour mettre de l'ordre dans un monde où les riches et les grands de ce monde sont dans des enclaves - et évidemment, le chefs a des rêves de révolution), mais bon, ça, c'est assez classique dans la construction d'une histoire. Du coup, il me faut un truc qui sort de l'ordinaire, et là, même s'il y a une grosse évolution politique mondiale dans cette histoire, ce qui amène beaucoup d'explications, qui sont plutôt bien amenées, de manière progressive, sans lourdeur, et au milieu des dialogues par moment (ce qui apporte un peu de densité à certains dialogues que je trouve aussi stéréotypés ... ça va avec les persos), je ne trouve pas qu'il y a quelque chose. C'est trop centré autour des deux ou trois persos, il y a pas (pour le moment) d'explication sur la vie en dehors de ces enclaves (peut être par manque de place). Ce qui est pas mal, c'est que les récitatifs ne sont utilisés que pour les rêves et éventuellement des injonctions décalées par rapport à l'image. Donc, en soit, l'histoire est pas mal construite, c'est fluide, mais elle ne m'intéresse pas. Je préfère Borderline de Risso et Trillo, dans le même registre.
Le dessin de Ponzio, j'ai pas aimé en partie. En soit, quand on n'aime pas Land et Larroca sur SW, ça parait difficilement possible d'aimer Ponzio. Alors, les points que je n'aime pas chez les deux cités ne sont pas tout à fait les mêmes pour Ponzio, mais l'idée est similaire. Déjà, quand j'ai vu les "remerciements pour leur participation" au début de l'album, avec une liste longue comme le bras, j'ai craint qu'ils aient servi de modèle avant même d'ouvrir les pages. Alors, il y a des cases ou des pages qui font vraiment roman photo, et ce n'est pas ce que j'attends d'une bande dessinée. Fort heureusement, même si des expressivités me paraissent un brin forcé, on n'est pas rendu au niveau de Land. Et y a pas mal de pages où cela passe, notamment quand il n'y a pas de gros plans sur les visages. Donc, pour le reste, je suis plutôt fan, ouais ! Mais le roman-photo, c'est vraiment pas fait pour moi.

Les chroniques de la vigne : Fred Bernard nous fait une petite autobiographie avec une biographie tronquée de son grand-père, vigneron à Savigny Les Beaune. Donc, tout tourne autour du vin, même les anecdotes qui concernent la deuxième Guerre Mondiale (certaines sont drôles, mais y en a une qui l'ai beaucoup moins). Alors, on apprend pas mal de choses, via l'auteur et surtout via le grand-père qui n'a pas la langue dans sa poche (cela dit, c'est aussi classique pour ce genre de personnage), d'autres choses sont quand même moins surprenantes (je ne sais pas si c'est parce que je bosse dans l'agri/agro, mais y a quand même des gens qui sont surpris pas des choses qui ne sont pas très surprenantes quand même). Bon, c'est sympathique, mais la vie de Fred, je m'en fous un peu, en fait. Et j'ai pas réussi à accrocher, malgré les moments rigolos (que j'admets volontiers). C'est un peu mièvre par moment, je comprends qu'il soit fier de sa région et de son papy, mais par moment, sur certaines anecdotes, c'est à la limite de la prétention quand même (je pense qu'il ne faut pas y voir cela, mais bon, à force de faire la liste des gens importants qui ont été en contact avec sa famille ... . Ah, et "il édite des livres jeunesse et des romans graphiques" ... mais pas de la BD faut croire).
La BD est organisée en chroniques plus ou moins grandes (d'1 à plusieurs pages), ponctuées par des considérations d'un italien autour des effets psychologiques du vin (bon, il a écrit ça en 1881, donc ça se comprend, mais aujourd'hui ... ma mère serait encore vivante, elle aurait pu dire la même chose que lui, puisqu'elle m'en parlait) ... donc, en soit, j'ai pas cet apport très pertinent.
Le dessin n'est pas tout à fait de mon goût, mais je ne pense pas que cela soit le plus important, le texte étant quand même l'accroche principale. Cela dit, j'aime bien les pleines planches sur la campagne bourguignonne.

Donc, en soit, le gars semble sympathique, mais sa BD ne m'a pas transporté et j'avais hâte de la finir pour passer à autre chose (ça doit être moi, puisqu'il a reçu des prix et des critiques sont dithyrambiques).

soyouz a écrit:

(bon, il a écrit ça en 1881, donc ça se comprend, mais aujourd'hui ... ma mère serait encore vivante, elle aurait pu dire la même chose que lui, puisqu'elle m'en parlait) ...

Parfois, j'ai l'impression de ne pas vivre à la même époque que Soy'.

En fait, que l'auteur italien écrive ce genre de chose en 1881, ça peut se comprendre. Y avait pas vraiment d'écrit sur le sujet ou de psycho.
Mais remettre ces écrits en ajout dans une BD des années 2010, je ne comprends pas l'intérêt. Cette psychologie autour des personnes enivrées, ma mère en parlait tout autant.